Les Centres Intégrés de Santé et de Services québécois, un modèle pour la France ?
< Actualités - Publié le 8 mars 2019

Les Centres Intégrés de Santé et de Services québécois, un modèle pour la France ?

Depuis 2016 et la loi de modernisation du système de santé (Loi Touraine), la France s’oriente vers une transformation de son système de santé pour améliorer l’accès aux soins et mieux répondre aux besoins de la population. Cette transformation, concrétisée par le plan de réforme « Ma santé 2022 »[1] et par le rapport de la Task Force dédié à l’évolution des modes de financement et de régulation publié en janvier 2019[2], se traduit notamment par :

  • Le déploiement de nouvelles organisations de soins: les Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT), associant les hôpitaux publics d’un territoire, et les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) visant à regrouper des professionnels du secteur socio-sanitaire de 1er et second recours autour de projets de santé,
  • L’arrivée de nouveaux modèles de rémunération des soins avec un objectif de réduction de la part des soins financée à l’activité (T2A).

Ces nouveaux modes d’exercice collectif (GHT et CPTS), associés aux évolutions du financement, doivent permettre de conduire des projets de soins pertinents et une prise en charge coordonnée sur chaque territoire pour améliorer notamment la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques et des personnes âgées.

A ce stade, de nombreuses questions demeurent : ces transformations vont-elles permettre d’adapter l’offre aux réels besoins des patients ? Vont-elles inciter les professionnels de santé à travailler ensemble ? Seront-elles efficaces pour mieux coordonner la prise en charge des patients ?

D’autres systèmes de santé tentent déjà d’y apporter des réponses. Ainsi, le Québec a par exemple engagé une transformation similaire en mettant en place des structures d’exercice collectif coordonnées et des prises en charges protocolisées.

 

L’organisation des soins au Québec

Au Québec, la structure du système de santé repose sur deux principes clés : la responsabilité populationnelle et la hiérarchisation des soins (soins de proximité ou de première ligne, soins spécialisés ou de deuxième ligne et soins hyper spécialisés ou de troisième ligne).

Depuis 2003 et la loi sur les agences de développement de Réseaux Locaux de Santé et de Services Sociaux (RLS), le gouvernement a initié une réforme majeure dans l’objectif de rapprocher les services de santé de la population, de les rendre plus accessibles, de mieux coordonner les soins et de permettre une continuité des services de santé offerts à la population[3]. Elle a d’abord conduit au regroupement des structures de soins en Centres de Santé et de Services Sociaux (CSSS), organisés par territoire.

 

Plus concrètement, les CSSS regroupent :

  • Des CLSC (Centres Locaux de Services Communautaires) qui offrent des soins de 1er recours, des services de nature préventive ou curative, des services de réadaptation et des activités de santé publique (Ex : promotion santé et bien-être),
  • Des CHSLD (Centres d’Hébergement et de Soins de Longue Durée) qui dispensent des prestations d’hébergement, d’assistance, de soutien et de surveillance ainsi que des services psychosociaux aux personnes en situation de perte d’autonomie et dont le maintien à domicile est devenu impossible,
  • Des CH (Centres Hospitaliers) délivrant des soins de 2ème et de 3ème ligne, et des soins psychiatriques.

En 2015, cette réforme est allée plus loin avec la loi modifiant l’organisation et la gouvernance des réseaux. Dès lors, plusieurs CSSS ont fusionné pour créer des mégastructures de santé : les CISSS (Centres Intégrés de Santé et de Services Sociaux) ou CIUSSS (intégrant des activités universitaires), directement rattachées au ministère de la santé et des services sociaux[4].

Les CISSS/CIUSSS sont responsables de planifier les services de santé et sociaux délivrés à la population de leurs territoires et les ressources associées, en cohérence avec 9 programmes de services (ex : santé mentale, santé physique. etc.) et des programmes de soutien (d’ordre administratif) définis par le ministère. Chaque CISSS adapte ses services selon l’analyse des caractéristiques et des besoins de la population de son territoire. Ainsi, certains CISSS décident par exemple d’allouer plus de ressources à la santé mentale, tandis que d’autres vont investir davantage dans des programmes de soutien à l’autonomie des personnes âgées.

Ils portent également une activité de coordination des soins dispensés au patient, selon des programmes de soins et de suivi protocolisés. Par exemple, lorsqu’un patient est diabétique, son médecin de famille peut l’inscrire à un programme dédié au suivi de sa pathologie porté par le CISSS. Ce programme d’une durée de 2 à 3 ans lui donne accès à divers professionnels (infirmiers, intervenants psychosociaux, kinésiologues, nutritionnistes, pharmaciens etc.) et à un médecin spécialiste si nécessaire. Avec cette organisation, ce n’est plus le patient qui fait le lien entre les différents acteurs du système mais le CISSS qui organise leurs interventions pour le suivi et la gestion de sa maladie.

Enfin, le gouvernement a engagé en 2015 une réforme du financement des soins dans les établissements de santé. Les établissements québécois vont passer de la dotation globale au financement à l’activité (équivalent de la T2A en France), afin d’assurer une meilleure gestion des ressources.

 

Une inspiration pour le modèle français ?

Le modèle d’organisation des soins au Québec et les différentes réformes qui s’y sont succédées présentent des points communs avec la situation française. Leurs objectifs valorisent en effet une approche « centrée sur le patient » et la création de structures coordonnées.

Ainsi, la création des CISSS/CIUSSS vise le même type d’objectifs qu’en France. L’implantation de programmes de prise en charge des patients uniformisés doit permettre une meilleure prise en charge du patient tout au long de sa trajectoire de soins et une coordination entre les différents niveaux de services. Au Québec, l’atteinte de ces objectifs passe aussi par le numérique : l’utilisation de systèmes d’information tels quel le DSQ (Dossier Santé Québec) par lequel les différents professionnels de santé (de ville ou d’hôpital) partagent au quotidien des informations sur le patient.

La France s’oriente dans cette direction avec les CPTS et les GHT, des structures plus morcelées qu’au Québec mais dont on attend aussi qu’elles relèvent le défi de la mise en place de protocoles, d’offres de services adaptés aux besoins des patients et d’un « décloisonnement » entre les secteurs (notamment sanitaire et médico-social, ville et hôpital).  Alors que les médecins de ville au Québec restent majoritairement rémunérés à l’acte [5](72% actes et consultations,17% vacations, 5% salaires et 6% capitation), la France mise sur une révision de ce modèle de rémunération pour soutenir la transformation des pratiques (augmentation de la part de rémunération au forfait , pour les pathologies chroniques, et rémunération à l’épisode de soins).

Tout en prenant en compte les spécificités de son écosystème, la France peut-elle s’inspirer du modèle québécois ? La création de « mégastructures » semblables aux CISSS et CIUSSS est-elle une évolution potentielle pour coordonner les parcours ? A ce jour, il n’existe pas encore d’évaluation des impacts des réformes sur le système de santé québécois. De nombreux chercheurs s’interrogent cependant sur les bénéfices d’un tel modèle d’organisation.  Il convient alors de rester attentif aux impacts de la réforme du système de santé au Québec afin de pouvoir en tirer des enseignements pour la France.

 

 

Regard d’expert ByProxicare

Les offreurs de soins doivent relever le défi de la constitution des CPTS, structures d’exercice coordonné fondées sur des projets de santé adaptés aux besoins des territoires. Proxicare accompagne les acteurs de terrain dans leurs réflexions et apporte sa connaissance des systèmes de santé.

 

Par Fatéma Nouroudine Hassanaly

 

[1] Ministère des solidarités et de la santé (2018). Synthèse de « Ma santé 2022 : un engagement collectif ».

[2] Ministère des solidarités et de la santé (2019). Synthèse du rapport de la Task Force « Vers un modèle de paiement combiné ».

[3] Gouvernement du Québec. (Mars 2018). « Plan économique du Québec : Des services de santé accessibles et de qualité (Budget 2018-2019) ».

[4] Gouvernement du Québec (2017). Ministère de la Santé et des Services sociaux. Le système de santé et de services sociaux au Québec.

[5] Assurance Maladie. Les modèles de rémunération : un regard international.

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